Lancé en 2006, Auto Moto Collection était spécialisé dans la voiture sportive de collection. Tous les deux mois, des milliers de passionnés y découvraient de superbes reportages sur leurs automobiles préférées, de sportive d'occasion comme la Ferrari 550 Maranello à la légende d'avant-guerre qu'est l'Amilcar CGSS. Ce magazine a malheureusement disparu et bon nombre de ses lecteurs regrettent encore aujourd'hui que les articles publiés ne soient pas disponibles. Ce manque est aujourd'hui comblé puisque ce blog publiel'intégralité de tous les articles parus. Bonne lecture à tous.



Porsche 912 - 1965



En 1963, la gamme Porsche, c’est un seul et unique modèle :  la  356, apparue en 1950. Déjà, plusieurs générations existent (pré-A, A, B et C) et de nombreux moteurs et carrosseries sont disponibles. Les acheteurs de l’époque pouvaient ainsi choisir un modèle en fonction de leurs goûts et de leur budget. Mais à partir de 1963, le client Porsche en phase de renouvellement n’a pas d’autre choix que d’acheter une Porsche 911 coupé 2.0 litres de 130 ch. Avec son flat-6, qui fera école et deviendra une partie intégrante du mythe 911, et son coût d’entretien supérieur, c’est surtout l’augmentation conséquente du prix d’achat qui va faire tousser les propriétaires de Porsche 356. En 1966, la revue Car & Driver observait : «valant près de 6.500 dollars, la Porsche 911 coûte plus cher qu’une Corvette, moins qu’une Ferrari, mais n’est certes pas à la portée de toutes les bourses !». La différence de tarif entre la nouvelle Porsche 911 et la 356 est de l’ordre de 30%, sauf pour l’exclusive 356 Carrera 2 litres à moteur quatre ACT de 130 ch. Devant les réclamations des clients, l’usine va devoir étudier une solution en urgence pour démocratiser sa nouvelle star, avec notamment un modèle d’entrée de gamme à prix étudié. Elle s’appellera donc Porsche 912…

Présentation...
Devant une telle demande, les responsables de Zuffenhausen vont concevoir un nouveau modèle qui devra répondre aux attentes de ceux qui ne peuvent franchir le pas du 6-cylindres. La Porsche 912 va donc reprendre intégralement la caisse de la Porsche 911, ainsi que ses trains roulants et son intérieur. Ce dernier sera toutefois un peu dépouillé par rapport à la Porsche 911 puisque à la place des cinq compteurs ronds VDO montés de série, ce ne sont que 3 compteurs ronds qui équiperont la 912. Il est toutefois possible pour le client d’opter pour les 5 compteurs ronds en option. C’est sous le capot que se situe bien évidemment la plus grande différence avec la Porsche 911. C’est le moteur quatre cylindres à plat (à distribution par tiges et culbuteurs) monté dans les Porsche 356 SC qui est réquisitionné pour équiper la Porsche 912. Avec 1,6 litres de cylindrée, il développe 90 ch contre 95 dans la 356. Mais c’est surtout le couple qui, s’il stagne, est disponible dès 3 500 tr/mn au lieu de 4 200 tr/mn sur la 356. N’oublions pas que l’argumentaire de l’époque chez Porsche à la présentation de la 911 est la souplesse du six cylindres. Ce choix de courbe d’utilisation du couple du 4 cylindres privilégiant la souplesse à bas régime était sensé faire oublier (?!) la perte des deux cylindres par rapport aux 911. En outre, la Porsche 912 se démarque de la Porsche 356, sa donneuse d’organe mécanique, par un silencieux d’aspiration qui dote la Porsche 912 d’une sonorité différente de celle de la 356. La boîte quant à elle est à 4 rapports de série et la boîte 5 est disponible en option. Extérieurement, rien ne permet donc au néophyte de distinguer une Porsche 912 d’une 911, surtout moteur arrêté. Seul le monogramme sur le capot moteur pourra vous donner un indice… En 1975, Porsche a commercialisé le temps d’un millésime une 912 E (E pour Einspritzung : injection), spécifiquement étudiée et diffusée sur le continent américain. Cette nouvelle 912 reprend cette fois-ci intégralement la base et l’aspect extérieur de la Porsche 911 2.7. Bien entendu, comme elle est prévue pour le marché américain, les entourages de phare sont chromés et les pare-chocs sont équipés de gros butoirs. Equipés de jantes en tôles de série, presque tous les modèles ont reçu en option les jantes Fuchs. C’est le 2 litres développant 90 ch de la Porsche 914/4 qui est repris. Les supports ont été adaptés pour poser le moteur dans le compartiment de la 912 E, une pompe à air pour recycler les gaz d’échappement est montée d’office. Les carters de canalisation d’air sont spécifiques et une pompe à essence et une injection L-Jetronic se chargent de l’alimentation du moteur en précieux carburant. Précieux, car ce sont bien les crises pétrolières de 1973 et 1975 qui ont justifié cette nouvelle Porsche 912 E. A cette période, les Etats-Unis vont réagir très énergiquement et drastiquement sur la pollution et la consommation des automobiles. Les Muscle-cars US seront les premières victime touchées de plein fouet par ces nouvelles normes et les Ford Mustang notamment connaîtront la période la moins glorieuse de leur histoire avec des puissances d’une modestie à peine avouable. Dans l’attente des Porsche 924 qui vont bientôt être dévoilées, la Porsche 912 E va avoir la lourde tâche de soutenir les ventes de Porsche aux USA. Une sorte de coup marketing, qui aura quand même permis à Porsche de diffuser outre-atlantique, plus de deux mille 912 E.

Timides évolutions...
Présentée et commercialisée en avril 1965, la Porsche 912 va donc répondre aux attentes des nombreux Porschistes peu enclins à accepter ou assumer l’augmentation des tarifs avec la nouvelle Porsche 911 commercialisée deux ans plus tôt. Tout au long de sa carrière, la Porsche 912, qui hérite de toute la caisse et châssis des Porsche 911, va bénéficier des mêmes évolutions. Ainsi, dès le millésime suivant, Porsche va dévoiler à au salon de Francfort la variante Targa de la 912. Pour l’instant, c’est un système avec un arceau de sécurité (gage d’une plus grande rigidité et sécurité) et une lunette arrière souple. Par la suite, toutes les Porsche 911 et 912 Targa hériteront d’une lunette arrière rigide et fixe. Pour l’année 1966, Porsche améliore certains détails de sa 912 : les freins sont renforcés, les voies augmentées et certains détails de finition sont modifiés (poignées de portes au dessin différent…). L’année suivante, c’est la grande évolution des modèles 911 et 912 à Zuffenhausen. Afin d’améliorer le comportement routier pour le moins pointu des 911, l’usine augmente l’empattement de 57 mm. C’est peu, mais l’impact sur la tenue de route est réel et les Porsche 911 se montrent bien moins délicates en conduite sportive. Certes, la Porsche 912 bénéficie également de cette évolution, mais n’en avait pas besoin, car avec ses modestes 90 ch, le châssis n’était pas trop mis à mal… En outre, les ailes gagnent un léger rebord, le stabilisateur avant est abandonné, les essuie-glaces noirs sont rabattus à gauche au repos et non plus à droite, les garnitures de portes sont nouvelles, le volant est plus petit avec un papillon central de sécurité, et le bloc chauffage/ventilation est amélioré. Les jantes Fuchs peuvent être montées en option. La carrière de la Porsche 912 est écourtée en 1969, car depuis 1967 la Porsche 911 T, au six cylindres « dégonflé » à 110 ch au lieu des 130 de la version standard, permet d’accéder au mythe 911 déjà établit à un prix plus accessible. Si 30 300 Porsche 912 ont été produites, la plupart ont été commercialisées aux USA. L’Europe a en effet toujours boudé ce modèle qui ne méritait pas aux yeux des européens amateurs de Porsche son blason prestigieux. La législation routière américaine déjà très répressive, est peut être la réponse à ce succès outre-Atlantique. C’est justement le marché américain qui va connaître le come-back de la Porsche 912 le temps d’un millésime entre 1975 et 76. Juste le temps d’écouler 2.099 exemplaires, qui permettront ainsi à la marque allemande d’être présente sur le créneau politiquement correct des autos à émissions polluantes et consommation réduites.

Acheter une 912 aujourd'hui...
Trouver une Porsche 912 en Europe, et en bon état d’origine avec un entretien suivi n’est pas une mince affaire. La plupart d’entre-elles ont été écoulées sur le continent nord-américain et la méconnaissance des 912 en Europe chez les passionnés de voitures sportives ont plongé ces Porsche dans l’oubli. La motivation pour acheter une Porsche 912, surtout lorsque le marché des voitures de collection était alors à son paroxysme à la fin des années 80, était surtout son prix d’achat plus à la portée de tous que la mythique 911. Pourtant, bon nombre d’acheteurs «par défaut» qui se sont tournés vers la 912 en raison de son physique de 911, ont été déçus. En effet, tout fan de la Porsche 911 vibre tant par sa ligne que par ses performances élevées et le son du flat-6. L’achat d’une Porsche 912 doit donc être déclenché pour l’intérêt que ce modèle suscite en lui-même chez vous, et non pour sa représentation de Porsche 911. Sur le marché actuel, comptez environ 10 à 12.000 euros pour un modèle en parfait état avec un historique connu. Si le moteur possède deux cylindres de moins, les coûts d’entretien sont similaires à ceux des 911 contemporaines. Il faut donc attacher une importance vitale à l’état et l’historique du modèle convoité pour limiter les mauvaises surprises et les frais élevés imprévus. Se faire assister d’une personne qui connaît bien les Porsche, ou un (bon) professionnel n’est pas superflu. Il faut fuir toute Porsche 912 qui aurait subi les affres du «Turbolook» ou des kits de reconversions en 911, 964, 993... Comme bon nombre de ses contemporaines des sixties, sans tomber dans les excès transalpin, les Porsche 912 ne sont pas à l’abri de la corrosion. Les zones les plus touchées sont celles traditionnelles (ailes, joues d’ailes, longerons…). Le 4-cylindres, s’il est d’origine VW, est de conception Porsche et possède bon nombre de pièces spécifiques. Sa fiabilité n’est plus à démontrer et seul un remontage hasardeux, oubliant certaines tôles de refroidissement peut entraîner des fuites symbolisées par une fumée bleue à l’échappement. Facile à vivre, la Porsche 912 se contente d’une vidange et de contrôle de niveaux tous les 5.000 km et d’un réglage allumage-carburation minimum une fois par an. Attention, car le réglage des carbus Solex demande expérience et doigté. Toutes les pièces sont disponibles, facilitant la remise en état ou la réparation des Porsche 912, mais elles sont très onéreuses, à l’image des pompes d’injection L-Jetronic des Porsche 912 E, au prix dissuasif.

Conclusion
Aussi belle et racée que sa grande sœur 911, la Porsche 912 est une opportunité sur le marché pour les amateurs de sportives des sixties. Mais seuls les connaisseurs avertis l’achèteront pour ses qualités intrinsèques et non comme faire-valoir de Porsche 911. Prix d’achat abordable, un blason qu’elle mérite réellement, la Porsche 912 saura séduire et possède aujourd’hui un argument de taille : c’est l’une des rares sportives qui vous permettra en ces temps modernes de conserver votre permis sur autoroute. Les Porsche 912 n’ont jamais été autant d’actualité…